La déclaration d’amour de Tim GUENARD
Vendredi 15 mars 2019
En ce début de Carême, une rencontre « pas comme les autres » a été proposé aux jeunes lycéens et étudiants du LDM SCSE. L’invité, Tim GUENARD, a témoigné avec simplicité, et humour, de son expérience de vie.
Abandonné à trois ans par sa mère, il est élevé par un père alcoolique et violent.
A cinq ans, il est hospitalisé pour coups et blessures, et reste dans le coma pendant deux ans et demi.
Pris en charge par l’assistance publique à 7 ans, il est balloté de familles d’accueil en maison de correction, tombe dans la délinquance et, à 13 ans, vagabonde dans les rues de Paris.
Sa haine envers son père et son désir de vengeance le mènent vers les sports de combat : il devient boxeur, avant de vivre une conversion qui changera la donne.
Quelques rencontres jalonnent sa jeune existence en perdition : le S.D.F, le gendarme, la juge, le prêtre, la personne en situation de handicap, Mère Teresa. Autant de personnes, dans la diversité de notre société, autant de ferments d’une révélation : et puis il y a « Big Boss » !
Celui qui considère sa vie comme « un pied de nez à la fatalité » finit par pardonner à son père et à ceux qui ont brisé son enfance.
Aujourd’hui marié, père de 4 enfants, témoin infatigable de la foi, Tim accueille chez lui, dans le Sud Ouest, des personnes désireuses de se reconstruire.
Outre l’œuvre testimoniale, Tim GUENARD livre un message d’amour et de vie.
Là réside la force de son enseignement : ce que nous connaissons d’une personne par son histoire antérieure, ses comportements, ne nous suffira jamais pour imaginer son avenir. La personne est un mystère, non pas au sens de ce qu’on ne la comprendra jamais, mais au sens de ce que l’on n’a jamais fini de la comprendre. Parce que la personne est un être unique, en devenir, qui nous surprendra toujours, nous devons laisser ouvert un espace de confiance.
« Certains prétendent qu’un enfant battu battra ses enfants, qu’un en¬fant d’alcoolique deviendra alcoo-lique, qu’un enfant violé deviendra violeur. Alors j’ai eu peur d’être une reproduction de mon père. Mais un jour, on m’a parlé de l’ADN qui est différent pour chacun d’entre nous. Je me suis dit " si je suis unique, je pourrai contrarier le destin. Je ne serai pas alcoolique, je ne serais pas violent. »
Nous appelant à croire en l’inattendu de l’homme, il nous a exhorté à la plus grande pondération dans les regards que nous posons les uns sur les autres. Nous ne sauverons la terre qu’en nous intéressant aux êtres humains, faisant fi de la différence et de la fragilité : voilà une belle leçon de développement durable !
« Si j’ai la chance d’être heureux avec ma femme et mes 4 enfants, c’est parce que je suis vivant, et si je suis vivant, c’est grâce à ceux qui ont posé de beaux regards sur moi. Si vous n’avez pas d’argent, ce n’est pas grave, si vous n’avez pas de solution devant la souffrance, ce n’est pas grave, ce qui est important, c’est le regard que vous portez sur l’autre. Il faut se mettre à la hauteur des gens qui souffrent. Asseyez-vous à côté d’eux, écoutez-les comme Monsieur Léon m’a écouté quand j’étais à la rue. On disait de lui que c’était une cloche, un clochard. Pourtant c’est grâce à lui que j’ai appris à lire.
Il y a eu aussi le beau regard de cette femme juge, la première qui a su me regarder moi plutôt que mon dossier. Ses yeux étaient humides, émus par mon histoire. Elle n’était pas croyante, mais cette juge m’a considéré, elle a accepté de rencontrer ma différence. Je ne l’ai jamais oubliée ».
Le point d’orgue de son intervention nous renvoie à nos propres conceptions du pardon : ni oubli ni amnistie, le pardon est indissociable de la mémoire. Il procède d’un acte mûri et réfléchi. Ce positionnement volontaire consiste à vivre le présent, à construire un avenir auprès des personnes qui nous ont créé du tord, sans obérer les souvenirs, si douloureux soient-ils.
Un jour, j’ai été capable de pardonner à mon père. Mais mon pardon l’a renvoyé à son passé, à ce qu’il avait fait, et la honte qu’il a ressentie nous a empêchés de nous retrouver. Il n’y a pas de magie dans le pardon. Il faut laisser à celui à qui on pardonne le temps de digérer. Je me suis mis à lui envoyer des cartes postales où je lui parlais des belles choses du présent. Au moment où j’allais arrêter de lui écrire, j’ai enfin reçu un signe de lui. Les instants présents étaient devenus plus forts que les instants passés. Il avait pu se pardonner à lui-même, et même arrêter l’alcool. Il ne s’agit pas d’oublier, mais de savoir vivre avec le passé.
Tim GUENARD nous ramène à l’inaliénable et indéfectible dignité humaine.
Qu’il soit ici par ces propos remercié.